« La cicatrice photographique », photographies au collodion humide de Gabriel Ramon.
Inauguration vendredi 22 janvier 2016 à 19h30
Depuis 2011, le photographe Gabriel Ramón Il réalise une série de portraits au collodion humide. Inventé en 1851, le négatif au collodion est constitué d'une émulsion déposée sur une plaque de verre qu'il faut imprimer en quelques minutes consécutives. Cette technique sera abandonnée à la fin du XIXème siècle, jusqu'à ce qu'à l'aube du XXIème siècle un petit nombre de photographes reprennent cette pratique obsolète. Avec un temps de pose d'une dizaine de secondes, des conditions de préparation et de développement du support qui confinent à la prouesse, une émulsion très fine et fragile, soumise aux imperfections de la matière, le collodion humide est une technique extrême, aux antipodes de la facilité du image numérique. En contrepoint ultra-contemporain, les images fantomatiques réalisées grâce à cette technique nous permettent de percevoir, comme dans le vif-argent d'un miroir, notre image post mortem.
« Pour Gabriel Ramon, le portrait est un espace de liberté, c'est un jeu : il secoue la pose ; couteau la chair... Sachez que l'image surgit de l'amorphe et aspire à revenir à cet état. La force de ses portraits réside dans cette fragilité, car il ne saurait pétrifier l'image (malgré le modèle gardant soigneusement la pose) ni renoncer au dynamisme (la vie ?) qu'il a toujours su imposer dans son travail d'étude.
N'arrêtez jamais de vous mettre sous pression... Transformez le tir en combat contre la montre en multipliant le temps de pose par mille. … Au risque dans chaque image que le sujet se perde dans les plis visqueux du collodion… La maîtrise pourrait-elle devenir, après tant d'années, l'ennemi de la création ? C'est apparemment ce que pensait Gabriel Ramon, après ses soixante ans, lorsqu'il décida de mettre en danger, avec chaque planche, sa pratique quotidienne du portrait.
Peut-on parler de cicatrices photographiques ? Le mot est ambigu, puisqu'il renvoie à la fois au référent (une blessure sur un corps qui va être photographié) et au cliché lui-même : ici la « cicatrice » est métaphoriquement infligée au négatif, par toute effraction dans le négatif. la régularité de l'image. Défaut du corps ou défaut de l’image ? Dans les deux cas, la « cicatrice » se heurte à la représentation que l’on se fait d’un corps lisse et parfait, ou à une image exempte d’erreurs. Or, nos appareils photo numériques ont aujourd'hui horreur du flou, des images floues, des pupilles rouges et des images hors cadre, autant d'obstacles à ce que les multinationales qui les fabriquent appellent la « bonne » photographie.
Ainsi, face à l'obsession de la beauté de l'imaginaire populaire et à la recherche de la perfection technique de l'image photographique, ces images troublantes et soigneusement imparfaites qui constituent l'œuvre photographique récente de Gabriel Ramon nous semblent, au-delà de leur maniérisme provocateur, un bon exemple du chemin extrême que prend la photographie contemporaine. L'excellent portraitiste espagnol, qui nous a habitué depuis trente ans à des photographies où il est toujours à la recherche de la part de beauté et de la part d'humanité que chacun porte en lui, quels que soient son âge et sa condition, s'est imposé, avec ces portraits au collodion humide qu'il a commencé à réaliser au début de 2011, une limitation qui met en péril le savoir-faire acquis au cours de milliers de séances de pose en studio, depuis son installation à Majorque en 1981. Avec des temps de pose d'une dizaine de secondes, un support de conditions de préparation et de développement qui confine à la prouesse, une émulsion très fine et fragile, sujette aux imperfections de texture, et surtout une modification du spectre qui éclaircit les couleurs froides et fonce les rouges, Le collodion humide est une technique extrême, à l'opposé de la facilité de l'image numérique. Elle a tendance à vieillir la peau, à durcir les visages et à nuire au corps avec ses « cicatrices argentées ». Au final, l’image au collodion mouillé – quand on cherche non pas à atténuer ses défauts, mais au contraire à les intégrer dans la construction d’images expressionnistes – a tout pour déranger tous ceux qui continuent d’être obsédés par la beauté et fascinés par la perfection.
Extrait de Jacques Terrasa
Université Paris-Sorbonne
(Dans la présente exposition, l'espace splendide et mystérieux de Can Monroig nécessitait presque nécessairement l'ajout d'une nouvelle série, également réalisée avec la technique du collodion humide : des constructions fantomatiques, une obsession de la fin du monde)
Note de Can Monroig :
Au début des années 90, Robert et moi vivions rue San Felio à Palma, nous nous étions rencontrés lors d'un cours de photographie publicitaire, nous passions souvent devant le studio de Gabriel Ramon dans la rue San Jaime à Palma et nous nous arrêtions toujours à côté de lui pour le contempler. les portraits exposés dans la vitrine au niveau de la rue. Des portraits en noir et blanc, quand la couleur était la norme, des couples avec leurs enfants posant tout naturellement, des regards et des attitudes non forcés, transmettant la spontanéité ; comme si ces photos avaient été prises un dimanche matin dans la chambre des parents, la famille vient de se réveiller et les enfants à moitié habillés...
Pendant des années, nous avons admiré Gabriel Ramon sans le connaître personnellement ; Il y a quelques mois, grâce à son épouse Michèle Froye, nous sommes tombés d'accord avec lui et la possibilité s'est présentée d'exposer à Can Monroig une partie de l'exposition que Gabriel a récemment présentée au Centre d'études catalanes de l'Université Paris-Sorbonne.
Nous sommes vraiment fiers et heureux d'exposer quelques photographies qui, et vous serez probablement d'accord avec nous en les voyant, semblent avoir été créées pour cet espace et l'atmosphère qui l'entoure.
Ceux d'entre vous qui souhaitent partager avec nous notre hommage particulier à Gabriel Ramon sont invités à l'inauguration qui aura lieu le vendredi 22 janvier à partir de 19h30.
Marie-Noëlle Ginard Féron
Robert López Hinton
Photographies de Gabriel Ramon en vente dans notre boutique en ligne
Lieu:
Can Monroig
C/Can Valella nº 22, Inca
tél 649186494
voir sur google maps
Vernissage vendredi 22 janvier 2016 à partir de 19h30
Il restera ouvert jusqu'au 27 février aux heures suivantes :
Jeudi et vendredi de 17h à 20h, samedi de 10h30 à 13h30.
La cicatrice photographique